La Savonnerie de la Goutte Noire vous présente son historique.

Je m'appelle Christophe Nadal, je suis savonnier, j'ai créé ma savonnerie avec ma femme Florence, il y a presque 20 ans. Je suis arrivé à faire ce métier par les hasards de la vie et ces rencontres qui peuvent vous influencer et même vous transformer.

Le premier souvenir directement lié au savon me vient de mes sorties du « jeudi après midi » où j'allais avec ma grand mère acheter des savonnettes à la Savonnerie du capricorne (en bas de l'ascenseur de notre dame de la garde, je suis né et ait vécu jusqu'à 23 ans à Marseille). Ma jeunesse est imprégnée de cette culture du bon temps, méridional et aujourd'hui désuet, quand ma mère m'envoyait remplir des bouteilles de différentes huiles dans un magasin au cours Jean Ballard (près du vieux port), ce magasin reste un souvenir inoubliable ; D'immenses cuves cylindriques vertes couvraient les murs jusqu'au plafond et 2 allées avaient été créées par une séparation de cube de savon de Marseille. L'huile d'olive d'Aix-en-Provence, d'Allauch avec celle grecque, espagnol ou italienne se partagées le décor. Les différents savons de Marseille étaient représentés, le très beau et regretté cube Nostradamus de chez Rampal Patou, les grosses olives de 300 gr. d'Olivia vendues dans un carton par trois pièces. Ce sont des souvenirs qui ont imprégné mon être et influencé ma vision des savons (le souvenir d'une qualité précise). J'en ai tout de même une vision bien nostalgique. L'odeur du savon, du gras, de l'huile d'olive était formidable.

A l'adolescence, je me demandais souvent que pouvait être le savon ? Était-il fabriqué, récolté ? Pour moi, le mystère était vraiment entier.

Dans le voisinage, mes parents avaient un ami, M. Esposito, il avait été maitre savonnier dans une grosse savonnerie Marseillaise. Avec beaucoup de gentillesse, il me proposa de m'apprendre à faire du savon. Durant un peu plus de trois années, nous nous rencontrions à peu près trois après-midi par mois et il me divulguait des techniques, des petits trucs et des secrets essentiellement centrés sur la fabrication du savon grenu (le savon de Marseille et d'aleph en fait partie). Il m'apprit la façon de faire le savon blanc de Marseille d'avant 1823, avec de l'huile d'olive première pression qui devient, lorsqu'il est bien liquidé sur gras, blanc avec une légère nuance verte.

Ma petite curiosité, cet homme la transforma en véritable passion. IL m'offrit quelque temps avant sa mort l'édition originale du « traité pratique de savonnerie » d'Édouard Moride 1888, un très beau livre, plein d'annotations très intéressantes, qui m'aident beaucoup.

Après avoir quitté Marseille, j'ai fait un tout autre métier et ne trouvant pas de savon comme j'en avais l'habitude, je les fabriquais dans ma cuisine, dans une marmite en fonte. Un jour, je me suis posé une autre question : L'épanouissement personnel pouvait-il s'accomplir sans un travail en adéquation avec sa passion ?

Et je décidais de revenir vers le savon. Je fis un stage dans une autre spécialité de la savonnerie, la savonnetterie. Je repartais pour Marseille dans la savonnerie du Capricorne chez M. Constantin, l'inventeur du savon au miel. J'ai rencontré mon père spirituel qui m'apprit avant tout à questionner et à comprendre la moindre de ses interrogations. (Il pouvait passer des heures à regarder les abeilles qui abordaient une fleur pour savoir s'il n'y avait pas une logique.) D'un stage de 6 mois on en fit une collaboration de 2 ans. Avec lui, j'ai compris que le succès n'était pas le médiatique, mais celui au contraire fait d'humilité. M. Constantin fut indéniablement l'inventeur du savon au miel et je le tiens de la bouche même du regretté M. Rampal Patou. La façon dont il délivrait l'information de son invention était pleine de respect :

« M.Untel apiculteur d'Allauch en 1948 me demanda si on pouvait mettre du miel dans le savon et voilà ».

Quelle humilité !!!

Pour vous expliquer ce qu'est la savonnetterie, je vais commencer par la savonnerie. La savonnerie, c'est l'art et la manière de créer, par une réaction chimique entre un corps gras et une base, un sel d'acide gras qui est le savon. Trois grandes méthodes de fabrication existent :

  • La méthode de saponification à froid (famille des savons d'empâtage.), on mélange les corps gras et la soude et après avoir amorcé la réaction on la laisse se continuer de façon autonome. Tous les éléments qui se trouvent dans les huiles et qui ne constituent pas le savon seront dans un dispersant qui lie les molécules de savon entre elles (entre autres l'eau et la glycérine). Son principal avantage est sa simplicité de fabrication. Il est chargé en glycérine, ce qui n'est pas un mal en cosmétique, car les glycérolés sont de très bons hydratants, par contre elle rend le savon beaucoup moins durable et instable.
  • La méthode mi-cuite (famille des savons d'empâtage). Elle est surtout utilisée pour la fabrication des savons noirs et liquides. La saponification est effectuée par petits ajouts successifs de lessives de soude ou potasse pour que la liaison des huiles et bases soit complète, sous chauffe pour faciliter la réaction. Le savon n'est pas lavé non plus, mais on se sert de la faculté de la glycérine à séquestrer l'eau pour avoir un savon liquide ou pâteux.
  • La méthode Marseillaise ou savon liquidé (famille des savons grenus) qui débute comme la méthode mi-cuite et qui continue par le relargage, bain d'eau salée qui rend le savon insoluble et permet d'enlever les lessives épuisées. Suit la cuisson pour finir de transformer tous les acides gras des huiles en savon.

Pour débarrasser le savon de ces impuretés et lui donner la quantité d'eau normale et d'alcali libre, on le lave avec une lessive faible ou de l'eau pure, ce qui permet au savon d'absorber l'eau et de céder des électrolytes (entre autres la glycérine) cela s'appelle la liquidation. Ce qui fait l'attrait de cette méthode (longue 4 jours de fabrication) c'est la pureté du savon. Le produit final nettoie parfaitement. Le savon de Marseille est un savon pur.

La Savonnetterie est l'art et la manière de rajouter au savon qui lui, nettoie, un autre effet, adoucissant, nourrissant, hydratant ou protecteur. Le but de cette méthode est de garder l'intégrité totale du produit rajouté.

Elle se fait de façon mécanique, on prend du savon déjà fabriqué et par broyage on lui insère les produits sans les chauffer ni les dénaturer par aucune réaction chimique non contrôlable.

Quand cette pâte est bien homogène et stabilisée en eau, on la boudine avec une machine qui la recompacte et on passe les savons au moule pour leur donner une forme agréable.

Voilà mon métier, l'enseignement de mes 2 maitres me sert tous les jours de façon technique, mais surtout pour envisager la nouveauté, pour essayer de comprendre et de faire au mieux sans barrière de méthode, sans partie prise et arrière pensée et surtout avec toute l'humilité qu'il faut pour travailler un produit si noble.

Historique